Par Émile Zola
Ce que je veux, sur le coteau,
C'est, lorsque Mai vient nous sourire,
Une cabane qui se mire
Dans le miroir clair d'un ruisseau ;
C'est un nid perdu sous les branches,
Ou ne conduise aucun chemin,
Un nid qui n'ait d'autre voisin
Que le nid des colombes blanches.
Ce que je veux, à l'horizon,
C'est, au pied d'une roche grise,
Un bouquet de pins dont la brise
Le soir apporte la chanson ;
C'est une suite de vallées,
Où les rivières, dans leurs jeux,
Errent d'un pas capricieux,
Blanches sous les vertes feuillées ;
Où les vieux oliviers songeurs
Courbent leurs têtes grisonnantes ;
Où les vignes, folles amantes,
Grimpent gaîment sur les hauteurs.
Ce que je veux, pour mon royaume,
C'est à ma porte un frais sentier,
Berceau formé d'un églantier
Et long comme trois brins de chaume ;
Un tapis de mousse odorant,
Semé de thym et de lavande,
Seigneurie à peine aussi grande
Que le jardinet d'un enfant.
Ce que je veux, dans ma retraite,
Créant un peuple à mon désert,
C'est voir, sous le feuillage vert,
Flotter mes rêves de poète.
Mais, avant tout, ce que je veux,
Sans quoi j'abdique et me retire,
Ce que je veux, dans mon empire,
C'est une reine aux blonds cheveux ;
Reine d'amour à la voix douée,
Au front pensif, aux yeux noyés,
Et dont les mignons petits pieds
Ne fanent pas mes brins de mousse.
Aix, mai 1859.
Il y a 8 ans
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